Déconnecté : quelques reflexions après deux mois sans réseaux sociaux (ou presque).

« Nous serions plus heureux sans Facebook. » C’est une étude danoise, publiée en 2015, qui l’affirme[1. The Facebook Experiment, The Happiness Research Institute, 2015] après que des chercheurs aient observé un milliers de Danois et Danoises se déconnectant de Facebook pendant une semaine.

En novembre 2016, j’ai décidé de lever le pied et de prendre du recul par rapport aux réseaux sociaux. Le déclencheur était à la fois cette étude danoise ainsi qu’une autre enquête menée par les Américains de dscout qui révèle que nous tapoterions plus de 2,617 fois par jour sur l’écran de nos smartphones[2. Putting a Finger on Our Phone Obsession].

Je n’ai aucun moyen de vérifier si je me situe dans la moyenne de ce tapotement (et cette enquête est peut-être par ailleurs farfelue), mais ça m’a tout de même fait réfléchir : à la moindre pause, je m’empare de mon téléphone, à un feu rouge, aux toilettes, lors d’une réunion qui s’éternise. Je déverrouille l’iPhone sans y réfléchir, en cherchant surtout à occuper l’attente, aussi courte soit-elle. Parce qu’on veut éviter à tout prix l’ennui. Le vide est devenu inconfortable.

Peu importe que les quelques minutes passées à faire défiler les différentes publications sur Facebook, Twitter ou Instagram ne nous apportent rien d’autre qu’un maigre fix de dopamine – ce désormais célèbre neurotransmetteur[1. http://www.slate.com/articles/health_and_science/science/2013/07/what_is_dopamine_love_lust_sex_addiction_gambling_motivation_reward.html]. Rien de plus qu’un éphémère sentiment de satisfaction avec, comme effet secondaire, un impact à long terme plus insidieux. Dans son article publié dans le Harvard Business Review, David Rock ne dit rien d’autre : « An overabundance of dopamine — while it feels great, just as sugar does — creates a mental hyperactivity that reduces the capacity for deeper focus. »[3. Your Brain on Facebook in hbr.org]

Sur mon iPhone, Facebook est un de mes points d’entrées. Pourtant, je ne considère pas y être accro. Aucune réelle assuétude au niveau de ce réseau social. Pas plus qu’Instagram, Twitter ou même Feedly et ses flux RSS.

Par contre – et c’est plus sournois – j’ai l’impression d’avoir, au cours de ces dernières années, perdu toute capacité à patienter.

Un article me semble intéressant, je le sauvegarde. Dans Facebook, dans Pocket, dans Feedly, dans Scoop.it, avec la ferme intention d’y revenir plus tard, « quand j’aurai le temps ». Les articles non lus s’accumulent. tl;dr, évidemment.

Plus globalement, cette impatience affecte ma concentration. Une notification ou une pastille qui s’affiche sur mon écran et je risque de perdre le fil, même si je sais combien le coût d’une interruption est sévère. Il faudrait 23 minutes et 15 secondes pour se replonger pleinement dans son travail[3. Worker, Interrupted: The Cost of Task Switching in Fast Company.], ce qui impliquerait qu’entre 40% et 60% de nos journées seraient ainsi perdues[4. Work interruptions can cost you 6 hours a day. An efficiency expert explains how to avoid them in Washington Post.]. Si ces chiffres s’avèrent exacts, je disposerais à peine de quatre heures de travail effectif par jour. Et ensuite, c’est l’effet domino qui s’enclenche : l’impression d’être inefficace, de n’avoir forcément jamais le temps. Et, inévitablement, d’être stressé. The Four Hour Day.

Du coup, au cours de ces deux derniers mois de régime, j’ai lu davantage. Principalement des livres. C’est certainement l’effet secondaire positif le plus marquant de cette micro-expérience.

Mais la vie sans Facebook ne m’a pas paru plus « heureuse« . Il faudrait déjà que je puisse définir ce que ça signifie. Cette micro-diète m’a plutôt fait penser que je dois apprendre à museler mon téléphone. Autrement dit, en ce qui me concerne, ce serait moins les réseaux sociaux eux-mêmes que la possibilité que j’ai d’y accéder à la moindre occasion qui est problématique.